Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/81

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en vain que l’on prétendrait résoudre par cette voie le problème de la Justice. Chercher la loi des mœurs dans une théorie de la santé, c’est confondre deux ordres d’idées totalement distincts, c’est nier la morale.

Pareillement que l’utilitaire, à l’exemple de Bentham, cherche dans les rapports naturels qu’établissent entre les hommes le travail, la propriété, l’échange, le crédit, des règles et des garanties pour la conduite des opérations, la sécurité et le bien-être de l’existence ; qu’il aille jusqu’à démontrer qu’en bien des cas le particulier qui comprend son véritable intérêt trouve avantage à sacrifier quelque chose du sien plutôt que d’engager la lutte avec ses semblables et avec la société : ce philosophe de nouvelle espèce pourra être un grand économiste, il n’aura rien de commun avec celui qui enseigne la Justice, le Droit.

L’Économie politique et domestique, science éminente, qui ne le cède en dignité qu’à la science du droit même, peut fournir, comme l’hygiène publique et privée, ample matière aux prescriptions du législateur et aux établissements de la morale. Elle n’est point la Justice : ce n’est pas seulement le sens commun, c’est, comme j’ai dit, la nature même des choses qui le déclare.

Dans tous ces cas la loi, hygiénique ou économique, est proposée au sujet, mais sous forme de conseil, sans injonction du for intérieur, et avec probabilité d’un bénéfice, s’il prend sur lui de s’y soumettre, ou d’un sinistre, s’il s’y refuse. La Justice s’impose, répugnante, gratuite, obligatoire : un abîme sépare cette sphère de toutes les autres.

Le problème subsiste donc tout entier, sans cesse reproduit par la conscience universelle et par l’antinomie fatale de la société et de l’individu ; et personne jusqu’ici qui en ait donné la solution.

En principe et en fait, la Justice est la condition sine