Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 1.djvu/97

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Dieu l’amour, l’ambition, l’esprit de spéculation ou d’entreprise, on doive faire exception pour la Justice.

La Justice est humaine, tout humaine, rien qu’humaine : c’est lui faire tort que de la rapporter, de près ou de loin, directement ou indirectement, à un principe supérieur ou antérieur à l’humanité. Que la philosophie s’occupe tant qu’elle voudra de la nature de Dieu et de ses attributs, ce peut être son droit et son devoir. Je prétends que cette notion de Dieu n’a rien à faire dans nos constitutions juridiques, pas plus que dans nos traités d’économie politique ou d’algèbre. La théorie de la Raison pratique subsiste par elle-même ; elle ne suppose ni ne requiert l’existence de Dieu et l’immortalité des âmes ; elle serait un mensonge si elle avait besoin de pareils étais.

Voilà dans quel sens précis, purgé de toute réminiscence théologique et supranaturaliste, je me sers du mot immanence. La Justice a son siége dans l’humanité, elle est indéfectible dans l’humanité, parce qu’elle est de l’humanité : telle est ma pensée, puisée elle-même au plus profond de la conscience.

Et quand j’ajoute que la Révolution a eu pour objet d’exprimer cette pensée, je ne veux pas dire non plus qu’elles sont nées tout à coup, la Révolution et son idée, en certain lieu, à certaine heure : en fait de Justice, rien n’est nouveau sous le soleil. J’entends seulement que c’est à partir de la Révolution française que la théorie de la Justice immanente s’est affirmée avec conscience et plénitude, qu’elle est devenue prépondérante, et qu’elle a pris définitivement possession de la société. Car, de même que la notion du droit est éternelle et innée dans l’humanité, de même la Révolution y est innée et éternelle. Elle n’a pas commencé à l’an de grâce 1789, dans une localité située entre les Pyrénées, l’Océan, le Rhin et les Alpes.