Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/131

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

au milieu de la population légère du monde aérien. Mon imagination (son imagination !) ne se refuse nullement à se représenter, au sein de ces énormes rassemblements d’étoiles que nous découvrons dans le lointain du ciel, des êtres acquérant de leur vivant, par l’exercice de leurs vertus, des organes d’une nature plus relevée, à l’aide desquels, sans perdre un instant conscience d’eux-mêmes, ils se transporteraient successivement, avec d’inexprimables ravissements, en compagnie de leurs amis, d’une résidence à une résidence meilleure. » (Terre et Ciel, p. 300.)


Quelques-uns appellent à leur aide la chimie organique. Ils voient dans la vie et la mort un double phénomène de composition et de décomposition animale, sous l’action tour à tour croissante et décroissante d’un principe inconnu, âme, esprit ou vie. Ce principe s’empare de la matière, s’en façonne un corps, lutte quelque temps avec succès contre les réactions chimiques qui tendent à le dissoudre, puis, vaincu à la fin par leur accumulation, se sépare de cet organisme usé pour recommencer ailleurs le même exercice.

Je regrette de troubler toute cette poésie ; mais la morale, pas plus que les sciences naturelles, ne vit d’imaginations, et il est impossible de voir autre chose dans toutes ces palingénésies.

D’abord, l’espèce d’antithèse qu’on établit entre le principe chimique et le principe vitaliste, ramené au point de vue qui nous occupe, en dit trop ou pas assez. L’immortalité, ou pour mieux dire la métempsycose, serait ainsi commune à l’homme et aux bêtes ; que dis-je ? aux plantes elles-mêmes, ce qui tombe dans l’absurde. Mais quand j’admettrais la transmigration de la vie sensitive et végétative, qu’en pourrait-il résulter pour la détermination de mes mœurs ? qu’importe à ma Justice ? qu’importe surtout à la félicité de mes derniers instants ?