Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/142

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à cette communion, il n’est pas jusqu’aux petits enfants, dont la vie n’ait sa plénitude. Ils n’ont fait mal à personne ; ils nous ont comblés de joie. Nous avons recueilli leur sourire, leur regard, leur grâce si pure, leurs mots si jolis. Incapables de sentir la mort, ils ont atteint la perfection ; et si nous les avons aimés, nous n’avons rien perdu.

Qu’est-ce donc que votre immortalité peut ajouter à mon bonheur et à ma vertu ? Ne suis-je pas dès à présent immortel, pour parler votre style, puisque je suis dans le passé, dans le présent, dans l’avenir, dans l’infini ? Vous ne sauriez me donner plus que le sublime, soit que j’aime ou que je produise, soit que j’accomplisse les œuvres de la Justice. Or, ce sublime, je le possède ; il dépend de moi et de l’usage que je sais faire de mes facultés : votre immortalité ne le dépassera jamais.

Si c’est là ce que vous appelez être immortel, je le suis ; s’il s’agit d’autre chose, je ne vous comprends plus, ma pensée ne pouvant concevoir, mon âme désirer, rien au delà du sublime.

Il est dans la vie de l’homme un acte solennel qui traduit toute cette doctrine, acte aujourd’hui presque ignoré du peuple, mais que le Romain regardait comme sacré : c’est le Testament.

Que signifie ce monument des dernières volontés, par lequel l’homme agit au delà du tombeau ?

Ceci seulement, que le testateur, en mourant, affirme la continuation de sa présence dans la famille et la société au sein desquelles il s’évanouit.

L’antiquité, qui croyait peu à la survivance des âmes, était fort religieuse à l’endroit du testament : au moment de livrer bataille, tous les soldats romains faisaient le leur. Comme les trois cents de Léonidas, comme Moïse, ils mouraient dans le baiser de la patrie. Quand la Bible,