Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/150

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Que le christianisme est bien la religion de la condamnation !

Condamnation de l’homme dans sa personne, déclarée inique par nature, incapable même d’un bon mouvement ;

Condamnation dans la terre, dont il est l’âme et le souverain, et qui, à cause de lui, a été maudite ;

Condamnation dans l’économie sociale, dont la loi, suivant l’Église, est l’inégalité, et le dernier mot la misère ;

Condamnation dans l’État, incompatible avec la liberté ;

Condamnation dans le travail, insigne de toute servitude ;

Et nous verrons plus tard :

Condamnation de l’homme dans ses idées, condamnation dans son histoire, condamnation dans son amour et sa génération, condamnation même dans sa Justice.

Et ce que le christianisme a prononcé contre l’homme, toute philosophie spiritualiste le répète fatalement, l’économiste l’affirme, l’homme d’État le confirme, le littérateur, comme si sa muse habitait le troisième ciel, le chante dans ses vers et dans sa prose.

II

Mon biographe, un homme à vous, Monseigneur, m’a fait voir écolier ; il va me montrer compagnon.

J’étais, suivant son récit, un sujet atrabilaire, murmurant contre la besogne, mécontent de ma condition de salarié. Enfant, le maillet de mon père me répugne ; jeune homme, je donne l’exemple de l’insubordination, et ne cesse de m’insurger contre mes bourgeois…. D’où les a-t-il connus, mes bourgeois ? Je possède encore mon livret d’ouvrier, revêtu de leurs signatures ; plusieurs sont vivants, et je pourrais au besoin invoquer leur témoignage…. Tout cela, conclut mon historien,