Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/164

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

avoir commencé par la liberté, finira par la sujétion. Tôt ou tard, la caste des capitalistes et entrepreneurs, sortie des rangs du travail inorganique, se constituera en aristocratie : alors au régime des corporations succédera celui des compagnies en commandite ; à la féodalité nobiliaire, la féodalité industrielle. Cela même n’est déjà plus à faire, c’est fait. La société, au lieu de suivre une ligne ascendante, aurait ainsi parcouru un cercle ; la Révolution aurait menti : au lieu d’une réforme, d’un progrès, nous aurions une contradiction, un pastiche, une sottise.

VIII

Les économistes sortis de la Révolution protestent contre ce non-sens. Ils soutiennent :

Que le travail est d’ordre moral et humain, donné dans la conscience, avant que la nécessité l’impose ;

Qu’en conséquence il est libre de sa nature, d’une liberté positive et subjective, et que c’est en raison de cette liberté qu’il a le droit de revendiquer sa liberté négative et objective, en autres termes, la destruction de tous les empêchements, obstacles et entraves que peuvent lui susciter le gouvernement et le privilége ;

Que, si le travail est libre, ainsi qu’il vient d’être exprimé, il implique dans sa notion celle de droit et de devoir ;

Que, si, par son côté fatal et en tant que la nature extérieure en fait pour nous une nécessité, il est répugnant et pénible, par son côté libre et en tant qu’il est une manifestation de notre spontanéité, il doit être attrayant et joyeux ;

Qu’au surplus la répugnance et la peine, qui dans l’état actuel de l’industrie humaine accompagnent à si haute dose le travail, sont l’effet de l’organisation servile