Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/177

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travail, de plaisir que Dieu l’avait fait, devint châtiment.

« La terre sera maudite pour toi : tu mangeras d’elle dans la fatigue chaque jour de ta vie. Elle te poussera des épines et des chardons ; et tu mangeras l’herbe des champs ; tu te nourriras de ton pain à la sueur de ton visage, jusqu’à ce que tu retournes en terre, d’où tu es sorti : car tu es poussière et tu retourneras en poussière. » (Gen., iii.)

Tel est le décret qui, postérieurement à la période d’innocence, a réglé la condition du travailleur, et qui a fait la base de l’Économie sociale pendant toute la durée de l’âge religieux. Cette malédiction, dont la teneur nous a été conservée dans le livre sacré des Hébreux, a retenti par toute la terre. Virgile, au 6e livre de l’Énéide, place le Travail à la porte des enfers, en compagnie de monstres horribles, le Deuil, les Soucis vengeurs, les pâles Maladies, la Vieillesse chenue, la Peur, et la Faim, mauvaise conseillère, et la honteuse Misère, et la Mort.

Le christianisme épaissit de plus en plus ces ténèbres. Selon M. Blanc Saint-Bonnet, l’un des mystiques les plus remarquables de notre époque, le travail est la régularisation de la douleur, sans laquelle, dit-il, point de génie, point d’héroïsme, point de sanctification.

« La Douleur avait besoin d’être réglée et calibrée dans une loi : c’est le Travail.

« La Douleur est un remplaçant du Travail…

« Travail, Douleur, Mort, trilogie providentielle.

« La Faim (qui force l’homme au travail), admirable invention pour un être. La théorie de l’absolu est toute là… » (De la Douleur, passim. )


De ce fait élémentaire, que la douleur est antinomiquement adossée à la jouissance, qu’elle n’est autre chose que l’excès dans la jouissance, comme la brûlure est un excès de caléfaction, la fatigue un excès dans l’action, M. Blanc Saint-Bonnet a tiré tout un volume de mysti-