Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/229

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ce nom impliquait la négation de tout théologisme, et la substitution aux concepts transcendantaux de substance, cause, vie, esprit, etc., de l’idée scientifique de rapport, plus explicitement, d’équilibre.

Mais tout cela signifie aussi que la vision interne à laquelle obéit l’homme primitif dans les actes de sa spontanéité, le rêve qui le mène, comme dit Cuvier, avant qu’il ait appris à jouir, par l’abstraction et l’analyse, de la plénitude de son intelligence, n’est aucune de ces conceptions métaphysiques qui feront un jour le martyre de son entendement ; c’est une idée sensible et intelligible, synthétique, par conséquent susceptible d’analyse, telle enfin qu’il la fallait pour la circonstance : rapport des choses entre elles, égalité ou inégalité, groupement, série, cohésion, division, c’est-à-dire justement ce qui fait la réalité, la phénoménalité, l’intelligibilité et la valeur de l’être.

Ainsi, la pensée première de l’homme, celle qui précède en lui toute réflexion et analyse, est la même, mais à l’état d’image, que celle à laquelle le ramène l’élaboration philosophique : il ne se pouvait autrement. Le principe de l’être en donne immédiatement la fin : Ego sum alpha et omega, primus et novissimus, principium et finis.

Comment se produit, dans les faits de l’activité spontanée, cette vue d’équilibre ?

De tous les instruments du travail humain, le plus élémentaire, le plus universel par conséquent, celui auquel se ramènent tous les autres, est le levier, la barre. C’est le bâton dont se sert, pour s’appuyer et se défendre, l’orang-outang, mais avec cette différence de lui à l’homme, que l’orang ne verra jamais dans son bâton autre chose qu’un bâton ; tandis que l’homme, par la puissance évolutive de son instinct, y découvre l’infini.

Tout ce que l’homme fait, entreprend, imagine, peut