Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/329

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vez, et absolutiste ; il fait le fond de la philosophie éclectique. C’est l’ignoble queue, torticulam caudam, que sont condamnés à tirer, jusqu’à extinction d’intelligence et de sens moral, les initiés de l’absolu.

L’étrange figure que fait l’Église avec son probabilisme !

Quoi ! cette autorité instituée d’en haut, cette fille du Père des lumières, est réduite, en ce qui intéresse le plus l’humanité, la Justice et la morale, à des probabilités !

Il est vrai que les catholiques prudents, comme le candide Bergier, s’efforcent de relever leur probabilisme en lui imposant pour condition de réunir le plus grand nombre d’autorités possible. Mais c’est précisément ce qui choque le plus la science, et qui témoigne du désarroi de l’Église et de la désertion du Saint-Esprit. Dans la science, il n’y a, en fait de certitude, ni majorité, ni minorité. L’expérience prouve que l’opinion la moins probable, c’est-à-dire, suivant la méthode de l’Église, la moins appuyée, est souvent la plus vraie. Qu’eût fait Copernic, s’il avait suivi l’opinion probable ? Où en serait l’optique, si les savants avaient continué de suivre, sur l’autorité de Newton, le système de l’émission, et de repousser celui de Descartes ; s’ils s’étaient obstinés à admettre sept couleurs primitives, tandis qu’il y en a seulement trois ?….

Que diriez-vous vous-même, Monseigneur, si nous autres révolutionnaires nous n’avions à substituer à votre probabilisme que des probabilités ? Que penseriez-vous d’une Justice probable, d’une liberté probable, d’un progrès probable ?….

Bergier se fâche contre Pascal, qui aurait, suivant lui, confondu malicieusement le bon probabilisme et le mauvais probabilisme, pour en écraser les jésuites.

Je n’ai pas besoin de répéter que Pascal avait souverainement raison ; qu’en fait de morale, comme de science,