Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/406

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produire une résultante différente en qualité des forces qui la composent et supérieure à leur somme,

De même le conflit des opinions engendre une raison différente de qualité et supérieure en puissance à la somme de toutes les raisons particulières qui par leur contradiction la produisent.

Je dis différente de qualité : c’est prouvé par l’antagonisme des deux raisons. J’ajoute supérieure en puissance : le progrès de la société le démontre.

Si grande, en effet, que vous fassiez la raison de l’individu, toujours elle sera mêlée d’éléments passionnels, égoïstes, transcendantaux, en un mot absolutistes. Cela s’observe dans les mouvements de la multitude, les préjugés nationaux, les haines de peuple à peuple, si souvent décorées du nom de patriotisme : toutes choses qui ne sont que de l’absolutisme individuel, multiplié par le nombre des coquilles d’huîtres qui l’expriment. C’est par là que le genre humain a été victime si longtemps d’institutions et d’idées qui semblaient recevoir leur autorité de la Raison publique, en qui se révélait, pensait-on, la volonté des dieux, tandis qu’elles n’étaient que de monstrueuses excroissances de la raison individuelle.

Or, nous voyons la raison collective détruire incessamment, par ses équations, le système formé par la coalition des raisons particulières : donc elle n’en est pas seulement différente, elle leur est supérieure à toutes, et sa supériorité lui vient justement de ce que l’absolu, qui tient une si grande place chez les autres, devant elle s’évanouit.

Convenons donc que la raison collective n’est pas un vain mot : c’est d’abord et indubitablement un rapport. Or, comme le rapport ou la raison des choses est en toute chose le fait capital, la plus haute réalité, je dis que la raison collective résultant de l’antagonisme des raisons particulières, comme la puissance publique ré-