Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/410

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ment il est devenu pour le travail une cause de réprobation et de servitude.

« Jeunes écrivains, le juste et le vrai sont deux termes auxquels toute raison particulière aspire avec force, mais qui ne sont donnés avec plénitude que dans la raison collective, dont la logique et l’expérience s’accordent à démontrer l’incompatibilité avec l’absolu.

« Jamais donc vous ne supposerez dans vos écrits, comme réalité positive, nécessaire à l’intelligence et à la sanction de la Justice ; jamais vous n’admettrez dans vos définitions et vos théorèmes, qui tous doivent porter exclusivement sur des faits et des rapports, ni, Dieu, ni âme, ni esprit, ni matière, ni ange, ni démon, ni paradis, ni enfer, ni création, ni résurrection, ni métempsycose, ni révélation, ni miracle, ni sacrement, ni prière, rien enfin qui implique une existence de l’absolu séparé du phénomène, une manifestation en soi de l’absolu.

« Ce serait superstition pure, la mort de la science, de la morale et de l’art.

« Il se peut, il est rationnel de penser, d’après la marche des sciences, qui nous révèle sans cesse de nouvelles essences, de nouveaux absolus ; il se peut, disons-nous, que Dieu, l’absolu des absolus, pas plus que la matière dont l’univers est formé, ne soit un pur néant : c’est une hypothèse qu’il serait d’une égale faiblesse d’esprit de nier ou d’admettre, et c’est déjà le signe d’une raison malade de s’en préoccuper. Ce qui est certain, c’est que cet absolu qui, sous le nom de Dieu, nature, force créatrice, se présente sans cesse dans le discours pour la commodité de l’exposition, n’existe pas pour la science en dehors de la phénoménalité universelle ; que hors de cette phénoménalité il doit être compté par le philosophe comme rien, par le jurisconsulte comme moins que rien, par l’écrivain et l’artiste comme le fantôme de rien.