Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/42

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tion ne saurait donc regarder encore que l’homme, être progressif, susceptible de s’avancer indéfiniment dans la Justice, et pour qui le règne de Dieu n’est autre chose que l’exaltation de sa propre essence, et le développement de sa liberté. Dieu, dans ce règne, n’a rien à faire.

Que ta volonté soit faite, sur la terre comme dans le ciel. — La volonté du Tout-Puissant ne peut pas rencontrer d’obstacle : prise dans la rigueur du terme, la prière serait une impertinence. D’autre part, l’assimilation de la terre au ciel ne s’entend pas mieux, à moins que la terre ne soit prise dans un sens figuré, comme nous avons vu tout à l’heure que le ciel était pris lui-même. Supposons donc qu’il s’agisse de la volonté de l’âme juste, volonté sans reproche comme celle de Dieu, qui en est la figure ; la pensée, qui tout à l’heure semblait dépourvue de sens, devient sublime. Que ta volonté, ô mon âme, s’accomplisse dans la région inférieure de ma conscience, comme elle se produit dans les hauteurs de mon entendement ! Je vois le bien et je l’approuve, dit le poëte, video meliora proboque ; pourquoi faut-il que je suive le mal ? deteriora sequor ! Est-ce le hasard qui a formé dans le Pater, d’un côté cette suite incohérente de pensées inintelligibles ; de l’autre, cette chaîne merveilleuse d’interprétations morales, autant que rationnelles ?

Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. — L’espèce humaine, courbée sous le péché, est mendiante : c’est tout son argument en faveur de la Providence. Mais il est impossible, avec la foi la plus robuste, d’admettre une divinité occupée de ces soins quotidiens. Dieu a établi, dès l’éternité et pour l’éternité, l’ordre du monde ; il ne le change pas au gré de nos désirs, pas plus que selon notre mérite ou notre démérite. Nous tombons