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le pays, si sa défense dépendait d’une vertu de surérogation ?

J’en dis autant des choses de la vie privée, qu’on est dans l’habitude de rapporter à la morale de conseil : comme elles intéressent la dignité personnelle, puisque sans cela on n’en ferait pas l’objet de maximes, elles appartiennent, en vertu de la solidarité sociale, à la morale impérative, à la Justice. Il n’est pas indifférent à la société que l’individu, en toutes ses actions, se respecte : l’impureté privée, le vice secret, est le commencement de toute iniquité. Aussi je partage le sentiment d’Aristote, dans sa Morale à Nicomaque : ce philosophe soutient que la Justice n’est point une division de l’éthique, mais le principe même de l’éthique, qu’elle embrasse tout entière ; et je regarde, quant à moi, les sept péchés capitaux comme pouvant tomber sous le coup de la loi, aussi bien que la calomnie, le vol, l’adultère, et le meurtre.

XVII

Voici donc le pyrrhonisme vaincu sur les deux premières questions : la réalité du sens juridique, et la certitude de la distinction du bien et du mal.

Comme il est intelligent, aimant, industrieux, artiste, l’homme est digne, il est juste. La Justice est en lui comme toutes les autres facultés, se manifestant d’une manière qui lui est propre, et avec une certitude que n’infirment en rien les erreurs d’application.

Et comme la faculté juridique se distingue nettement de la faculté intelligente, industrielle, artistique, de même la notion de bien et de mal qui lui est propre n’est pas vaine, fugitive, variable, comme on l’a dit ; elle ne flotte pas au gré du tempérament des peuples, des suggestions du climat, du bon plaisir des révélateurs : elle est parfaitement nette, distincte, affranchie de toute con-