Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/476

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constamment abouti à la nier : à telle enseigne que parmi les philosophes qui ont abordé la question, l’on ne saurait dire lesquels ont fait le plus de mal à la liberté, de ceux qui l’ont attaquée, ou de ceux qui ont cru la défendre. Sans doute il ne manque pas parmi les philosophes de gens qui croient au libre arbitre ; mais de gens qui l’expliquent, je n’en ai pas encore rencontré ; et je le répète, ceux qui s’imaginent le prouver le mieux sont ordinairement ceux qui le compromettent le plus.

Cette tournure singulière, dans un débat de si haut intérêt, est déjà par elle-même un fait très-remarquable, d’autant qu’elle ne vient pas de l’ineptie des penseurs, mais de la nature de la chose. Ce sera aussi le point de vue sous lequel nous procéderons à cette étude.

XX

Descartes.

Pour rendre plus intelligible la théorie du franc arbitre, qu’il avait exposée d’abord dans sa quatrième Méditation, Descartes, répondant aux sixièmes objections no 6, prend pour sujet de son hypothèse Dieu, en qui toutes les facultés, la liberté comme les autres, sont élevées à l’infini. Descartes, s’occupant de psychologie, fait comme le naturaliste qui considère un animalcule au microscope : ce que la faiblesse de sa vue ne lui permet pas d’apercevoir en lui-même deviendra sensible en Dieu, par le grossissement.

Qu’est-ce donc que la liberté en Dieu, c’est-à-dire conçue dans sa plus haute puissance, une liberté parfaite, complète, sans aucun mélange de détermination ou d’influence ?

« Dieu, répond Descartes, en faisant toutes choses, a agi avec la plus pleine, la plus souveraine indépendance : il répugne qu’aucune idée du bien, du vrai, du beau, ait été l’objet de