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jour des bienheureux, pendant que celle de l’impie est précipitée dans le noir abîme. La même croyance règne dans l’Inde, au Thibet, à la Chine, dans les pays soumis à l’Islam, partout ; ce fut celle de tous les peuples jadis attachés au polythéisme, et le christianisme n’y a guère ajouté. Au lieu de voir dans cette universalité de superstition les rayons épars d’une révélation primitive, n’est-il pas plus judicieux d’y saisir le mouvement de l’âme humaine, qui, se contemplant dans le miroir de la conscience, s’affirme d’abord comme autre, en attendant que l’analyse lui apprenne à se reconnaître ?

XVII

Je conclus : la religion, quel qu’en soit le Dieu, esprit ou fétiche ; quel qu’en soit le dogme, théisme ou panthéisme, vitalisme ou socialisme, se résolvant en une mythologie de la pensée, divise la conscience : par conséquent elle détruit la morale, en substituant à la notion positive de Justice une notion sous-introduite et illégitime.

Il n’y aurait qu’un cas où la religion pourrait faire exception à cette règle, ce serait celui où elle aurait pour symbole ou divinité la conscience même, ou, pour mieux dire, la Justice, dans l’idéalité abstraite de sa notion ; mais alors la religion serait identique à la Justice, ce qui détruit l’hypothèse.

C’est pour cela que le christianisme, dont le Dieu est pris pour autre que la conscience, bien qu’il soit une figuration de la conscience ; qui, par conséquent, constitue en nous une double conscience, la conscience naturelle et la conscience théologale, ne possède, en fait de morale, que les rudiments de la vérité, plus une symbolique ou séméiologie, c’est-à-dire une affirmation figurative de la Justice et de la morale ; mais de morale véritable, aucune. La science des mœurs et l’efficacité du sens moral ne peu-