Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/517

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nécessairement unique pour toutes choses, et que le contraire n’est pas vrai, savoir, que chaque chose possède son absolu, sa substance en soi, son énergie propre, sa modalité à elle, bien que ce substratum, cette énergie, cette modalité, puisse rencontrer son analogue, voire même son semblable, dans d’autres êtres ?

De quel droit, dis-je, Spinoza, de la conception particulière et individualiste de l’absolu suggérée par l’aperception de telle ou telle chose, conclut-il à l’affirmation panthéistique de l’absolu ?

Je ne nie pas que le concept de Spinoza ne soit intellectuellement possible, puisqu’il l’exprime, puisque tous nous le pouvons former, et qu’il sert de principe à la religion. Je nie seulement, dans la question, l’admissibilité de ce concept, qui repose sur une généralisation gratuite ; je nie que l’unité de la création doive être conçue comme l’a conçue Spinoza ; je soutiens que cette unité, si elle est, ne peut être que l’effet d’un concours, concert ou conflit, peu importe le mot, et doit être considérée comme une résultante ; je repousse par conséquent la conception de Spinoza, faisant de la nature créée l’expression d’une force substantielle unique et infinie, comme dépassant également les limites de l’expérience et les lois de la métaphysique.

Toute aperception de la sensibilité suggère à l’entendement la conception d’un absolu, substance, force, vie, etc., formant le substratum, l’en soi, de l’objet manifesté : c’est admis.

Mais cet absolu que nous concevons dans chaque chose, nous n’avons pas le droit de dire qu’il est individuellement et synthétiquement le même pour toutes les choses : ce serait, je le répète, conclure au delà de l’observation et raisonner de la nature de l’absolu en tant qu’absolu, ce que nous défend la science et que réprouve la métaphysique elle-même.