Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/81

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nouvelle captivité. Un pape, un homme, par prudence, par nécessité, a pu donner les mains à cette transaction ; l’Église, dont la collectivité représente Dieu même, n’est pas liée par cette signature ?

Ainsi l’Église, dans tout ce qu’elle fait, agit consciencieusement. Ce qui nous paraît crime en elle, est devoir. C’est par devoir qu’elle dépouille et proscrit le paganisme, après que ses apologistes ont tant de fois réclamé la tolérance païenne ; par devoir qu’elle brûle les philosophes, après que l’Apôtre a déclaré que la foi doit être rationnelle et libre ; par devoir qu’elle égorge la Révolution, après que Pie VII a pactisé avec la Révolution.

L’Église est la double conscience de l’humanité.

De même que la société civile a droit de Justice sur tous ceux qui violent les lois de la conscience naturelle, qui est elle-même ; de même l’Église s’attribue droit de Justice sur tous ceux qui, même innocents au point de vue de la conscience naturelle, pèchent contre la conscience religieuse, qui est aussi elle.

Et c’est ce qui nous explique, enfin, comment dans l’âme humaine la plus grande scélératesse peut s’unir à une profonde religion : ce phénomène n’a pas d’autre cause que l’étouffement de la conscience naturelle par la conscience transcendantale.

Caligula, Néron, Héliogabale, les plus lâches, les plus infâmes de tous les tyrans, furent des modèles de piété. Tibère, sans respect pour les dieux, est fataliste : une superstition en vaut une autre ; c’est le monstre des monstres. Balthazar Gérard, Jacques Clément, Ravaillac, furent des saints. C’est cette alliance de la religion avec le crime qui constitue l’hypocrisie, du grec ὑποκριτὴς, comédien, comme qui dirait conscience de théâtre, le vice par excellence des âmes chrétiennes. Tartuffe est un vrai dévot, n’en doutez pas : ce monstre croit si bien en