Page:Proudhon - De la justice dans la Révolution et dans l’Église, tome 2.djvu/98

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cratie, gouvernement, autorité, etc., a été prise si longtemps, tantôt pour une action du ciel, tantôt pour une fiction de l’esprit, nous l’avons trouvée chose réelle ; l’Économie, nous l’avons reconnue pour une science réelle ; la Justice elle-même nous est apparue comme une réalité : ce n’est qu’à cette condition de réalisme que nous avons pu jeter les bases du droit et de la morale, et nous dégager de la corruption antique, et la propriété resterait à l’état de fantôme, ce ne serait toujours qu’un mot, servant à exprimer le dévergondage du cœur et de l’esprit, une négation !… C’est inadmissible.

Je dis donc que, si la propriété est, comme elle doit être, quelque chose de réel, elle le devient par cette possession, que le Code et toute la jurisprudence distinguent nettement de la propriété ; possession que j’ai toujours défendue, et qui n’a rien de commun avec le vieux droit caïnite, né d’un faux regard de Jéhovah. C’est par la possession que l’homme se met en communion avec la nature, tandis que par la propriété il s’en sépare ; de la même manière que l’homme et la femme sont en communion par l’habitude domestique, tandis que la volupté les retient dans l’isolement.

Car il ne suffit pas, pour le succès du laboureur et pour la félicité de sa vie, qu’il ait une connaissance générale de son art, des différentes natures de terrain, et des éléments chimiques qui le composent ; il ne lui suffit pas même de ce titre de propriétaire, si cher à l’orgueil ; il faut qu’il connaisse de longue main, par tradition patrimoniale et pratique quotidienne, la terre qu’il cultive ; qu’il y tienne, si j’ose ainsi dire, à la manière des plantes, par la racine, par le cœur et par le sang : tout comme il ne suffit pas à un homme, pour faire ménage avec une femme, de connaître la physiologie du sexe et de porter le titre de mari ou servant ; il faut