Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/13

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Mais lorsque, de retour au pays, j’ai vu, et sur le même prétexte, la presse démocratique m’accuser d’abandonner la cause de la Révolution, crier contre moi, non plus à l’annexionniste, mais à l’apostat, j’avoue que ma stupéfaction a été au comble. Je me suis demandé si j’étais un Épiménide sorti de sa caverne après un siècle de sommeil, ou si par hasard ce n’était pas la démocratie française elle-même qui, emboîtant le pas du libéralisme belge, avait subi un mouvement rétrograde. Il me semblait bien que fédération et contre-révolution ou annexion étaient termes incompatibles mais il me répugnait de croire à la défection en masse du parti auquel je m’étais jusqu’alors rattaché, et qui, non content de renier ses principes, allait, dans sa fièvre d’unification, jusqu’à trahir son pays. Devenais-je fou, ou le monde s’était-il à mon insu mis à tourner en sens contraire ?

Comme le rat de Lafontaine,

Soupçonnant là-dessous encor quelque machine,

je pensai que le parti le plus sage était d’ajourner ma réponse et d’observer, pendant quelque temps, l’état des esprits. Je sentais que j’allais avoir à prendre une résolution énergique, et j’avais besoin, avant d’agir, de m’orienter sur un terrain qui, depuis ma sortie de France, me semblait