Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/173

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tionnée dans son chef et forcée de marcher avec la liberté ; vous échappez à l’inconvénient de soulever contre vous l’univers catholique.


En 1846, lorsque les jésuites, par leurs perpétuelles intrigues, eurent amené sept cantons suisses à rompre avec la Confédération et à former une alliance séparée, les quinze autres cantons déclarèrent les prétentions des jésuites et la scission qui en était la suite incompatibles avec le pacte fédéral, avec l’existence même de la République. Le Sunderbund fut vaincu, les jésuites expulsés. La Suisse victorieuse ne songea point alors à abuser de son triomphe, soit pour dresser un formulaire de foi religieuse, soit pour changer la constitution fédérative du pays en constitution unitaire. Elle se contenta d’introduire dans la constitution fédérale un article portant que les cantons ne pourraient modifier leurs constitutions particulières que dans le sens de la liberté, et elle fit rentrer dans le pacte les cléricaux qui avaient voulu s’en écarter[1].

  1. On se tromperait fort, si l’on s’imaginait que les jésuites seuls ont le secret et le privilége de troubler la société et de compromettre l’existence des États. L’année dernière, 1862, le canton de Vaud, agité par la secte des méthodistes, vulgairement appelés Mômiers, a vu son gouvernement passer des mains des libéraux dans celles de ces religionnaires qui, par leur fanatisme, leur esprit d’aristocratie et leur hostilité à la Révolution, ne diffèrent en rien de ce que l’on appelle à Paris et à Bruxelles le parti clérical. Par une de ces aberrations déplorables et toujours répétées du suffrage universel, c’est avec le secours des voix de l’extrême démocratie que les méthodistes l’ont emporté sur leurs rivaux. Mais que peuvent-ils ? Seront-ils plus probes, plus économes, plus dévoués à la liberté du pays et à l’amélioration du sort des masses que ne le furent leurs devanciers ? C’est le seul moyen qu’ils aient de légitimer leur avènement, et dans ce cas ils ne feront que continuer l’œuvre libérale. Essayeront-ils une révolution économique ? Dans un si petit État, elle serait sans portée ; il faudrait l’étendre à toute la Suisse, ce qui ne peut avoir lieu qu’avec le concours des vingt-deux cantons, et sur l’initiative de la Confédération. Tenteront-ils une réforme religieuse, et, dans ce sens, une révision de la constitution cantonale ? Mais ici encore la Confédération a l’œil sur eux, et quand ils seraient de force à recommencer le sunderbund, leur sort est fixé d’avance et leur défaite certaine.
    …...L’agitation religieuse est flagrante aujourd’hui, non-seulement en Suisse du fait des Mômiers, et en Italie du fait de la Papauté ; mais en France, en Amérique, en Russie, partout enfin, et du fait des croyances les plus impures et les plus extravagantes.