Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/214

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térêts dont ils ont leur part, il est difficile d’obtenir cette haute indépendance, cette véracité sans tache qui sont les vertus par excellence du publiciste comme de l’historien. Leur vérité n’est jamais que relative, leur vertu une demi-vertu, leur indépendance une indépendance qui a besoin, pour se soutenir, d’une suffisante et préalable indemnité.


Examinons ce qu’est aujourd’hui une entreprise de journalisme.


Une société se forme pour la publication d’un journal. Elle se compose des citoyens les plus honorables ; elle sera anonyme ; la rédaction demeurera, autant que possible, collective ; toute opinion, toute prépondérance individuelle, est récusée d’avance : que de garanties d’impartialité !… Eh bien ! cette compagnie anonyme, ce ministère de publicité affranchi de toute influence particulière, est une association de mensonge, où la collectivité de la rédaction ne sert qu’à dissimuler l’artifice, tranchons le mot, la vénalité.


D’abord, il faut à cette société un capital ; ce capital est fourni par actions. C’est une société de commerce. Dès lors la loi du capital devient la dominante de l’entreprise ; le profit est son but, l’abonnement sa préoccupation constante. Voilà le journal, organe de la vérité, fait industrie, boutique. Pour accroître ses bénéfices, pour conquérir l’abonné, le journal devra ménager, caresser le préjugé ; pour assurer son existence, il ménagera davantage encore le pouvoir, soutiendra sa politique en ayant l’air de la censurer ; joignant l’hypocrisie à la couardise et