Page:Proudhon - Du Principe fédératif.djvu/96

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Ainsi condamnée à une existence pacifique et modeste, jouant sur la scène politique le rôle le plus effacé, il n’est pas étonnant que l’idée de Fédération soit demeurée jusqu’à nos jours comme perdue dans la splendeur des grands États. Jusqu’à nos jours les préjugés et les abus de toute sorte pullulant et sévissant dans les États fédératifs avec la même intensité que dans les monarchies féodales ou unitaires, préjugé de noblesse, privilége de bourgeoisie, autorité d’Église, en résultat oppression du peuple et servitude de l’esprit, la Liberté restait comme emmaillotée dans une camisole de force, et la civilisation enfoncée dans un invincible statu quo. L’idée fédéraliste se soutenait, inaperçue, incompréhensible, impénétrable, tantôt par une tradition sacramentelle, comme en Allemagne, où la Confédération, synonyme d’Empire, était une coalition de princes absolus, les uns laïques, les autres ecclésiastiques, sous la sanction de l’Église de Rome ; tantôt par la force des choses, comme en Suisse, où la confédération se composait de quelques vallées, séparées les unes des autres et protégées contre l’étranger par des chaînes infranchissables, dont la conquête n’eût certes pas valu qu’on recommençât pour elles l’entreprise d’Annibal. Végétation politique arrêtée dans sa croissance, où la pensée du philosophe n’avait rien à prendre, l’homme d’État pas un principe à recueillir, dont les masses n’avaient rien à espérer, et qui, loin d’offrir le moindre secours à la Révolution, en attendait elle-même le mouvement et la vie.


Un fait acquis à l’histoire est que la Révolution française a mis la main à toutes les constitutions fédérales existantes,