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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

sur l’esthétique serait à écrire, si l’art n’avait eu d’autres interprètes, au point de vue des théories, que ses propres maîtres. La pensée qui dirigea l’école hollandaise elle-même n’aurait eu garde de l’expliquer : elle n’en savait rien. Républicaine et rationaliste, n’ayant à s’occuper ni des dieux ni des grands, ni des pontifes ni des moines, forcée de se replier sur la vie séculière, elle peignit modestement de modestes personnages, de simples mortels, tels qu’ils se montraient chez eux, sans façon, à la brasserie ou sur la place publique : voilà tout. On peut dire qu’elle faisait de nécessité vertu. Qui donc aurait soupçonné que cette idée téméraire) ridicule, de représenter de bonnes gens dans leurs occupations quotidiennes et banales ; de les coucher sur la toile, en belle peinture vernissée, à la place des anges et des saints, était la plus grande idée qui fût jamais entrée dans un cerveau d’artiste ? A plus forte raison ne songea-t-on pas à faire de cette idée un principe de pédagogie sociale. Le génie hollandais, bourgeois et conservateur, aimant le terre-à-terre, n’était point à la hauteur d’une pareille conception. Concentré en lui-même, il ne cherchait point à savoir ce qui se passait au delà de son horizon. Et si quelque tableau, échappé des marais de Hollande, tombait sous les yeux d’un amateur orthodoxe, celui-ci, en songeant que cette toile était l’œuvre d’un hérétique, ne pouvait manquer de trouver dans la trivialité des