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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

dû étudier la carte du pays et qui s’était flatté de surprendre les Autrichiens, la faute était énorme. Bonaparte ignorait jusqu’au nom et à l’existence du fort de Bard ; il ne s’était pas douté le moins du monde que son armée, après avoir franchi la crête des Alpes, pouvait se trouver enfermée comme dans une souricière ; en sorte que si le général Mêlas avait pu supposer que son adversaire irait s’engager dans ce défilé, avec un renfort de quelques milliers d’hommes, il faisait prisonnière l’armée française. On réussit enfin, non pas à enlever, mais à tourner l’obstacle ; victoire remportée, non à coups de canon, mais à coups de pic. L’armée en fut quitte pour la peur : mais quel sujet de glorification pour le général. que ce raccroc !...

Bien ne m’irrite davantage que le mensonge dans l’art. Précisément parce que l’art est une idéalisation, l’idée de l’artiste doit être d’une vérité d’autant plus scrupuleuse. Le tableau de David qui représente le premier consul gravissant les Alpes est assurément fort beau : ce n’en est pas moins une page que je voudrais déchirer. Les hommes politiques assignent au traité de Tilsitt l’apogée de la puissance impériale, et aux conférences de Bayonne le commencement de la décadence. Raisonnant à mon tour au point de vue de l’esthétique et de la morale, je trouverais le principe secret de cette décadence dans la flatterie désordonnée