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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

tique depuis le commencement de la civilisation jusqu’à nous, on n’y trouve rien, pas même l’Iliade, qui soit d’une entière rationalité. Mais c’est à quoi j’ai répondu que l’art, bien qu’incomplet dans sa vérité et son idée, bien que n’ayant qu’imparfaitement conscience de sa haute mission, n’en demeure pas moins rationnel et véridique dès qu’il répond à la pensée générale ; dès que, par sa franchise et sa spontanéité, il exprime fidèlement le sentiment des masses. Voilà comment, en présence des œuvres du moyen âge, de celles des Grecs, des vieux Égyptiens, de la Renaissance elle-même, m’identifiant par la pensée aux mœurs de chaque époque, je me laisse aller sans scrupule à mon admiration devant ces monuments de sociétés qui ne sont plus, et dont il m’est impossible de suspecter la bonne foi ; voilà, dis-je, comment je puis admirer une Descente de croix de Rubens à l’égal de la Ronde de nuit de Rembrandt. Rubens, en dépit de toutes les mythologies et allégories qu’il a laissé échapper de son pinceau, et que je laisse à mon tour pour ce qu’elles valent ; Rubens, dès qu’il redevient catholique et peintre d’église, est aussi vrai dans la Belgique dévote que Rembrandt l’est lui-même dans la protestante et républicaine Amsterdam. Mais aujourd’hui, où est parmi nous l’artiste véridique ? Y a-t-il ombre de vérité, au point de vue de nos mœurs, de nos croyances, de notre tradition révolutionnaire, de nos aspirations esthétiques, dans