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QUESTION GÉNÉRALE SOULEVÉE

tiste, et dont je laisse volontiers le soin au public. Mais encore faut-il qu’on le comprenne, surtout que ses antagonistes se comprennent eux-mêmes. Qu’est-ce que cet Art, que tous cultivent avec plus ou moins d’éclat ? quel en est le principe, quelle en est la fin, quelles en sont les règles ? Chose étrange, il n’y a personne, ni à l’Académie ni ailleurs, qui soit peut-être en état de le dire. L'art est un indéfinissable, quelque chose de mystique, la poésie, la fantaisie, tout ce que vous voudrez, qui échappe à l’analyse, n’existe que pour lui-même, et ne connaît pas de règles. Recueillez les discours, rassemblez les écrits, faites le dépouillement des critiques : je suis fort trompé si vous obtenez rien de plus. Ce qui n’empêche pas les artistes de se disputer ni plus ni moins que des théologiens et des avocats, qui, eux du moins, reconnaissent des principes et des règles, et de se condamner les uns les autres, comme si ce n’était pas chose convenue qu’ils ne se peuvent entendre.

Ne demandez pas quelle est l’utilité de l’art et à quoi servent dans la société les artistes. Il est des professeurs qui vous répondraient que le caractère essentiel de l’art, que sa gloire est précisément d’être affranchi de toute condition utilitaire, servile. L’art est libre, disent-ils ; il fait ce qui lui plaît, travaille pour son plaisir, et nul n’a le droit de lui dire : Voyons ton produit. Quoi donc ! Platon chassait de la république