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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

vant moi de vrais paysans italiens, en corps et en âme, et non pas des modèles d’atelier, en costume de moissonneurs, avec un sentiment d’idéal de la façon de l’artiste.

Car voici ce qui m’inquiète. Comme je n’ai pas voyagé en Italie, je ne puis affirmer que les paysans ultramontains ne sont pas mieux bâtis ; plus élégants et plus braves que ceux de ce côté des Alpes ; je suis donc forcé de m’en tenir au témoignage de l’artiste. Mais alors un doute me saisit, doute pénible, qui, plus je le voudrais chasser, plus il s’obstine et me mord. Je me demande comment des gaillards si vigoureux, si romantiques, si crânes, sont incapables de joindre, à l’occasion, au travail rustique le métier de soldat, et de faire l’exercice du fusil aussi bien que de danser au son de la cornemuse ; comment, pour s’affranchir de la domination étrangère, ils ont besoin de la protection étrangère ? C’est la campagne de Lombardie, je ne le dissimule pas, qui m’a suggéré ces réflexions, plus sérieuses que bien des artistes ne le croiront peut-être de prime abord. Il est clair, en effet, que si la masse des peuples italiens, à l’exception des Piémontais et peut-être des Lombards, est tellement antipathique au métier des armes, que depuis des siècles ils ont constamment appartenu à des maîtres étrangers, cela tient à une disposition de nature ou d’institution qui doit se trahir quelque part dans la physionomie, et qu’il appartenait