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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

trer ce mystère de l’âme italienne ; je dis que cette étude est aussi du ressort du peintre. Je voudrais les observer de près, ces paysans d’Italie, qui se font volontiers brigands, insurgés ou contrebandiers, — chez eux c’est tout un, — mais qui ne supportent pas le service militaire, et que Léopold Robert a faits si beaux, qu’on les prendrait pour les dieux des campagnes travestis.

Après ce que je viens de dire, il est inutile que j’insiste sur certains détails qui font ressortir encore plus l’irrationalité du tableau. Quelle est cette grande femme, roide et guindée, portant un marmot dans une gaîne, et qui trône, sans le moindre sourire, au’haut du char, comme une Notre-Dame des Ermites sur son autel ? On ne peut faire un pas en Italie sans être poursuivi par l’image de la Madone, à moins que nous ne prenions celle-ci pour une Isis ou une Cérès, ce qui revient au même. Tandis que les hommes dansent au. son de la cornemuse, la femme en question semble pleurer misère sur les quelques maigres gerbes jetées de çà et de là sur le tombereau, à seule fin d’avertir les passants que la moisson est faite. Léopold Robert n’avait pu manquer cependant d’observer en France, ou même en Suisse, les montagnes de gerbes que nos paysans rentrent chez eux au temps de la récolte, et dont la dernière arrive couronnée de verdure et de fleurs, aux cris de joie des enfants et des femmes, à