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ÉVOLUTION HISTORIQUE

garni le chef-d’œuvre. Nous avons importé d’outre-Manche nos squares et nos jardins publics ; mais nous avons eu soin de laisser aux Anglais leur vieux système d’habitations distinctes, où chaque famille, à la ville comme à la campagne, occupe, autant que faire se peut, une maison à elle seule. Nous ne serons de longtemps ni assez riches, ni assez libres, nous n’avons pas assez de respect de nous-mêmes pour de telles mœurs. Qui s’étonnerait, dans ce gâchis, de voir la peinture et la statuaire tomber constamment dans le chauvinisme, la charge et l’obscénité ?

Soyons justes pour tout le monde : Horace Vernet n’est pas plus répréhensible en tout ceci que les deux illustres chefs de l’école classique et de l’école romantique, MM. Delacroix et Ingres. Ne sont-ils pas, par la série de leurs œuvres et le choix des sujets, tout autant irrationnels que lui ? Tous trois ne sont-ils pas de la même Académie ? La seule différence qui existe entre eux, est que M. Delacroix et M. Ingres se prennent au sérieux, tandis qu’Horace Vernet avoue franchement qu’il ne croit pas à sa propre peinture.

« Je rends le plus exactement possible ce que je vois, dit-il, sans chercher midi à quatorze heures. Mon robinet a bien coulé, j’ai gagné des millions ; j’ai bien vécu, j’ai joué mon petit rôle !.»—Tout vice ou délit, dit un proverbe, provient d’ânerie : toute démoralisation d’une société a pour cause l’imbécillité