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ÉVOLUTION HISTORIQUE

cette peinture : pour le vulgaire qui l’admire, elle est d’un détestable exemple ; pour les honnêtes gens qui savent à quels sentiments elle répond, elle est un sujet de remords. L’auteur a été payé, je suppose : je demande que cette toile soit enlevée, ratissée, dégraissée, puis vendue comme filasse au chiffonnier.

L’artiste ne peut dans aucun cas rester indifférent à la scène qu’il représente, ni par conséquent laisser le spectateur dans le doute. Comme on ne saurait admettre que l’art puisse jamais servir à célébrer les exploits des Cartouche et des Messaline, l’artiste doit sur toute chose, et pour l’honneur de son pinceau, et pour sa considération personnelle, éviter dans ses compositions l’ombre d’une équivoque. Il faut qu’une œuvre soit telle, dans son ensemble et dans ses détails, que la justification ou la condamnation de la scène en ressorte immédiatement. L’événement est-il lui-même douteux, ainsi que je l’ai observé à propos du Serment du Jeu de paume et de l’insurrection du 1er prairial : abstenez-vous alors, à moins que votre but ne soit précisément d’ajouter à l’horreur et à la pitié en faisant naître le doute.

M. Horace Vernet est hors d’état de comprendre ces choses-là. Pourvu que ses soldats aient du chic, que leur élan soit superbe, que le Bédouin soit battu, consterné, il est content. L’uniforme, voilà sa partie. Que lui importe le reste ? Est-ce à lui d’apprécier les causes