Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/176

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
164
ÉVOLUTION HISTORIQUE


CHAPITRE XI


Opinion de M. Chenavard sur la dégénérescence de l’art et la fin prochaine de l’humanité. — Difficultés que rencontre l’art au dix-neuvième siècle. L’école dite réaliste naît de l’irrationalité générale.


Nous en sommes là. Notre nation, à qui depuis la Révolution de 89 il appartenait, ce semble, de résumer les traditions de tous les âges, puis de reprendre et creuser la pensée hollandaise, a fait, jusqu’à présent, défaut à cette mission. Les talents n’ont pas manqué ; l’intelligence seule s’est montrée insuffisante. Nous n’avons su rien imaginer de mieux, dans notre présomptueuse ignorance, que de jouer avec un passé fini, que nous admirions d’autant plus que nous le comprenions moins. Nous avons beaucoup travaillé, beaucoup produit, beaucoup discuté, et pour arriver à quoi, grand Dieu ! au néant. Les anciens, en obéissant à l’esprit qui les animait, étaient vrais dans leur art ; c’est pourquoi ils ont mérité la louange de la postérité, qui a déclaré leurs œuvres immortelles. Nous, nous n’avons su qu’imiter, copier les anciens, sans songer à produire notre propre idéal, sans nous douter que,