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ÉVOLUTION HISTORIQUE

voyagerait pas seule, à pied, perdue dans la foule. Est-ce. sa maîtresse ? Pas davantage. En fait de mariage, le paysan franc-comtois ne va qu’à pas comptés ; la mésalliance lui est aussi antipathique qu’au bourgeois et au noble. Quant aux amours libres, il y regarde à deux fois ; il en redoute le scandale et les inconvénients ; surtout il ne les affiche pas, et tant que vous le voyez galant, tenez pour sûr qu’il n’y a rien. De son côté, la jeune fille, tout en souriant à un témoignage qui l’honore, sait imposer silence à son coeur : elle ne croit guère à un mariage aussi disproportionné, et pour qu’elle s’engage dans des relations d’une autre espèce, il faudrait qu’elle eût déjà fait bien du chemin !

Voilà le paysan de Franche-Comté ; disons plutôt : voilà le paysan français, dans la sincérité de sa nature, à trente ou quarante années de la Révolution, dans une des mille scènes de la vie provinciale. Voilà la France rustique, avec son humeur indécise-et son esprit positif, sa langue simple, ses passions douces, son style sans emphase, sa pensée plus près de terre que des nues, ses mœurs également éloignées de la démocratie et de la démagogie, sa préférence décidée pour les façons communes, éloignée de toute exaltation idéaliste, heureuse quand elle peut conserver sa médiocrité honnête sous une autorité tempérée, dans ce juste milieu aux bonnes gens si cher, et qui, hélas ! cons-