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ÉVOLUTION HISTORIQUE

nos commis voyageurs, aurait peine à reconnaître des Français natifs dans la très-exacte et très-véridique effigie que nous venons d’analyser : « Combien, se dirait-il, cette race est au-dessous de celle qu’a peinte L. Robert dans ses Moissonneurs ! Quelles physionomies communes ! quelle absence de distinction, de noblesse dans toutes ces figures!...» Voilà pourtant ce que nous sommes tous d’origine ; voilà la souche d’où nos pères sont sortis, et sur laquelle notre postérité continuera de fleurir, pourvu toutefois que le ver de la corruption moderne ne nous ait pas déjà piqués à mort. Race singulière, capable de tous les élans du génie, de tous les éclats de la passion, de toutes les sublimités de l’enthousiasme, de tous les engouements de la nouveauté elle-même, mais qui toujours revient avec délices à son honnête milieu, au calme de ses habitudes,’ au modérantisme de ses opinions, à l’indécision de son tempérament.

Sans doute nous ne sommes pas aujourd’hui, à Paris surtout, tels que j’ai essayé, pour expliquer le tableau de Courbet, de nous dépeindre. Notre juste milieu politique a abouti à une honteuse destitution. Cette estime de la médiocrité qui distinguait nos pères a fait place aux impatiences de l’industrialisme, aux convoitises de l’agiotage : nous avons dépouillé, pour une phraséologie prétentieuse et pleine de sophismes, notre bon sens gaulois, et l’excentricité des jouissances nous