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ÉVOLUTION HISTORIQUE

Boileau, Pascal, Bossuet et autres semblables, les plus sévères, les plus précis et les plus chastes des génies. Jugeons du reste par cette analogie.

La question de l’indépendance de l’art conduit à une autre : celle de sa fin ou de sa destination. Sur ce point, comme sur le précédent, l’ancienne école n’est pas moins explicite et décisive. D’après les classiques et les romantiques, qu’il serait inconséquent de séparer, l’art est à lui-même sa propre fin. Manifestation de la beauté et de l’idéal, quel autre objet pourrait-on lui assigner que celui de plaire, d’amuser ? Il répugne à toute fin utilitaire. S’il favorise les mœurs, s’il aide à la santé, s’il contribue à la richesse, tant mieux pour elles) l’homme d’État pourra en prendre texte pour imposer à l’art certaines restrictions de police ; mais il n’en résulte nullement que l’art reconnaisse une suzeraineté en dehors de sa nature. Les ordonnances du législateur ont leur motif ; elles doivent être respectées ; comme citoyen, l’artiste s’y soumet ; comme interprète de l’idéal, il ne s’en soucie aucunement. Son unique but, c’est, en vous faisant part de ses impressions personnelles, quelles qu’elles soient, d’exciter en vous cette délectation intime qui double la jouissance de la réalité, qui tient lieu bien souvent de sa possession. Qu’importe ici la moralité du fait ou sa logique ? Qu’importe la valeur, économique ou morale, de la chose ? Vous êtes séduit, passionné, trans-