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ÉVOLUTION HISTORIQUE

qui cherche à la faire revenir. Elle ressemble à ces malades pris de dégoût, que ni l’exercice, ni la diète, ni le-grand air, ni les raffinements de la gastronomie n’ont la puissance de mettre en appétit. L’idéal est une des puissances de notre âme : une fois épuisée, elle ne peut se rétablir que par un vigoureux effort de la conscience. Que si l’abus des jouissances a détendu jusqu’au ressort moral, l’homme est fini : ni art ni raison n’y peuvent plus rien ; il n’y a qu’à jeter le cadavre.

Ces réflexions m’ont été principalement suggérées par deux tableaux de Courbet, bien différents pour le sujet, mais qui se font pendant par l’idée : les Casseurs de pierres et les Demoiselles de la Seine. On accuse Courbet de tuer l’idéal par son réalisme ; jamais peintre, au contraire, ne l’excita plus fortement qu’il n’a fait dans ces deux remarquables ouvrages.

Les Casseurs de pierres.

D’autres, avant Courbet, ont essayé de la peinture socialiste, et n’ont pas réussi. C’est qu’il ne suffit pas de vouloir : il faut être artiste. Reproduire des réalités, encore une fois, n’est rien : il faut faire penser ; il faut toucher, faire luire sur la conscience un idéal d’autant plus énergique qu’il se dérobe aux regards.

Les Casseurs de pierres sont une ironie à l’adresse de notre civilisation industrielle, qui tous les jours in-