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ÉVOLUTION HISTORIQUE

très bien. La demande détermine la production, disent les économistes. Or que recherche surtout la clientèle des artistes ? Des sujets licencieux.

Une femme, riche et galante, demandait à un artiste de lui décorer un boudoir dans lequel elle verrait son image nue reproduite en autant de situations qu’il en pourrait imaginer. Beaucoup d’argent à gagner ; mais quel échec, quelle insulte pour le talent de l’artiste[1] !

Un peintre m’a raconté qu’un jour un personnage haut placé, qui le protégeait, lui dit, après lui avoir payé le tribut d’éloges que méritait une de ses figures : Tout cela est très-joli, mais pas assez gai ; vous m’entendez ?... — Fort bien !...

Les artistes intelligents sont consternés de cette honte, et ne savent qu’y faire. — Un statuaire à qui je demandais, à mon retour de Belgique, ce qu’il faisait, me répondit d’une voix sombre : Je fais des c...! — Il s’associait injustement à la tourbe des prostitués, ministres de la luxure publique. Je n’ai jamais rien entendu de plus terrible. Il faut être Cambronne ou un artiste de talent aux abois, pour trouver de ces expressions que la vérité ne peut dissimuler, mais que le talent le plus consommé n’ose répéter.

  1. Si j’avais été le peintre, je lui aurais répondu : Faites votre ménage vous-même, madame ; faites-le tous les jours ; ayez des enfants ; et vous verrez votre image plus belle que je ne saurais vous la faire.