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ÉVOLUTION HISTORIQUE

fraternel, espèce de pique-nique, où les épanchements de l’amitié succèdent aux ardeurs de la controverse. Dans ces rapprochements, qui forment certainement le meilleur de la vie sacerdotale-dans les campagnes, les esprits s’animent, les cœurs se dilatent, tout se réunit pour donner au repas son plus grand entrain. C’est l’effet de cette joie, semi-religieuse, semi-épicurienne, idéaliste et par conséquent sensuelle, que l’auteur du tableau a voulu peindre au vif, en représentant un groupe. de prêtre rentrant au logis à la sortie d’une conférence cantonale.

La scène se passe en Franche-Comté, dans la plus belle vallée du Jura, la vallée de la Loue. Au premier plan on voit un groupe de quatre prêtres, dont l’un, incapable de traîner sa vaste corpulence, a été hissé sur un âne, qui plie sous le faix. C’est le doyen ; il compte quarante années de services ; depuis longtemps il a passé l’âge de ferveur ; son front insoucieux, ses lèvres lippues, son œil en ce moment quelque peu lubrique, son port de Silène décèlent un joyeux convive parvenu, dans cette existence somnolente, idéaliste et sensualiste tout à la fois du curé de campagne, à un haut degré de matérialisation. On ne sait vraiment où peut se tenir l’âme dans cette épaisseur de chair. Excellent homme au fond, qui ne compte pas un ennemi parmi ses paroissiens. Il est soutenu à gauche (la droite du spectateur) par un jeune vicaire qu’on pren-