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PAR LES ESSAIS DE M.  COURBET

pelons beautés et harmonies de la nature. Il se trouve bien comme il est, n’aspire point à la gloire, ne songe point à rehausser sa mine d’un ornement emprunté, à festonner son gîte ; il vit sans cérémonie et sans gêne, à l’abri de l’envie comme du ridicule. Il garde le souvenir de ceux qu’il aime, qu’il hait ou qu’il craint ; privé de son petit, de sa compagne, on le verra mourir de regret ; mais il ne se fera pas une relique de leur dépouille, et de leur souvenir une sorte de culte. Libre, il consomme ses provisions en nature ; on ne l’a jamais vu les faire cuire au soleil, les macérer dans le sel et les épices, ou les combiner entre elles de manière à multiplier ses jouissances. En fait d’art culinaire, il peut en revendre à la sagesse de Pythagore.

J’appelle donc esthétique la faculté que l’homme a en propre d’apercevoir ou découvrir le beau et le laid, l’agréable et le disgracieux, le sublime et le trivial, en sa personne et dans les choses, et de se faire de cette perception un nouveau moyen de jouissance, un raffinement de volupté.

Ainsi déterminé dans son principe et dans son objet. l’art se fait de tout un instrument ou une matière, depuis la plus simple figure de géométrie jusqu’aux fleurs les plus splendides, depuis la feuille d’acantine sculptée sur le chapiteau corinthien, jusqu’à la personne humaine taillée en marbre, coulée en bronze et érigée en divinité. Toute la vie va s’envelopper d’art : nais-