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ÉVOLUTION HISTORIQUE

mieux que lui-même ; que je l’analyserais, le jugerais et le révélerais au public et à lui tout entier. Cela parut l’effrayer : il ne douta pas que je ne commisse faute sur faute ; il m’écrivit de longues lettres pour m’éclairer, lettres qui m’ont appris fort peu de choses, et me lit. sentir que je n’étais point artiste. A quoi je répliquai que j’étais artiste autant que lui : non pas artiste peintre, mais artiste écrivain, attendu qu’il m’était fréquemment arrivé dans mes ouvrages de faire trêve momentanément à la dialectique pour l’éloquence ; et, comme l’art est le même partout, que je me croyais parfaitement compétent dans la question. Ceci parut le calmer un peu, et il ne songea plus qu’à se faire connaître à moi tel qu’il croit être, ce qui n’est pas tout à fait la même chose que ce qu’il est.

Courbet, plus artiste que philosophe, n’a pas pensé tout ce que je trouve : c’est tout simple. Assurément il n’a pas conçu son sujet des Curés avec la puissance que j’y vois et que j’indique. Je crois qu’il a eu l’intuition de son principe en peintre, en vertu de son innéité, non en penseur, à plus forte raison en philosophe. Il a beaucoup hésité et varié dans son expression. Mais, en admettant que ce que j’ai cru voir dans ses figures soit de ma part illusion, la pensée existe ; et comme l’art ne vaut que par ses effets, je n’hésite pas à l’interpréter à ma manière. Si j’exagère, son importance comme penseur, il n’y a pas de mal : cela sert du moins à faire