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ÉVOLUTION HISTORIQUE

dent sous ma plume. Rien de plus difficile que de portraire un savant modeste, un grand homme simple, un honnête homme. Il n’y a pas de type connu, et si l’on s’en tient à l’individualité, il est impossible d’échapper à l’un ou à l’autre de ces inconvénients : ou de forcer l’expression du sujet, ou de compromettre l’œuvre par sa vulgarité même.

Sans doute il y a des vertus individuelles, d’honnêtes et excellents individus. Mais ce sont des individus, incapables de fournir un type, et sur la physionomie desquels il est impossible de saisir au passage cette expression de vertu, d’héroïsme, de dévouement, conséquemment le genre de beauté que nous désirons.

La vertu,-c’est le christianisme lui-même qui nous l’a appris, — est modeste ; elle ne s’étale pas, elle fuit le grand jour ; rien de plus difficile que de la saisir dans un éclair des yeux ou un reflet du visage. Demandez à un honnête homme, à une digne femme de se remettre dans l’attitude qu’ils avaient quand il leur est échappé telle ou telle bonne action ; chargez un de vos modèles mercenaires de jouer ce rôle. Le ridicule d’une semblable prétention saute aux yeux.

La vertu humaine, qui doit chez nous remplacer la vertu ou piété chrétienne, n’est pas encore assez déve-