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ÉGYPTE : ART TYPIQUE

de dignité que le vice a ravagée. Vous me citez les Hollandais et les Flamands qui, dans leurs kermesses, leurs noces, leurs assemblées, dans leurs intérieurs de ménage, et jusque dans leurs cabarets, sont réjouissants ; ils plaisent, ils amusent. Sans doute ! Mais ceci prouve une fois de plus ce que je viens de dire : c’est qu’il n’y a de ressource pour l’artiste que dans la vérité de l’observation. Les auteurs de ces peintures avaient sous les yeux une société gaie, riche et riante ; ils furent plus heureux que nous. Aujourd’hui, savez-vous qui pose devant le peintre ? L’avarice, le jeu, l’orgueil, la luxure, la mollesse avide et désœuvrée, le parasitisme féroce, la prostitution. Je ne puis rendre au public que ce qu’il me prête : ce n’est pas ma faute s’il recule devant son image.

L’art humain, critique, tel qu’il s’est révélé sous nos yeux, est rebuté, d’abord par l’imbécillité publique, le préjugé, la corruption ; puis par l’hostilité des Académies, de l’Église, des coteries et du pouvoir. Les mêmes causes qui, depuis soixante-dix ans, ont arrêté le développement de la liberté, arrêtent l’essor de l’art : préjugés populaires, Ignorance nationale, goût faux, défaillance de caractère, corruption sourde, égoïsme. Nous chérissons notre indignité, nous adorons notre servitude, nous bénissons nos privilèges et notre agiotage, pères du paupérisme.