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ÉVOLUTION HISTORIQUE

conclurai que, nonobstant les textes admiratifs de quelques vieux historiens, la conscience grecque, au siècle de Phidias, est supérieure à la conscience égyptienne du temps de Sésostris. Tout cela je le vois, je le constate ; je m’y intéresse comme homme, comme le fils de famille aux reliques de ses aïeux ; mais, encore une fois, que me font ces statues de dieux et de déesses, ces bas-reliefs des temples, ces colonnades, ces portiques ? Qu’est-ce que tout cela me dit ? Absolument rien. ’Qu’importe à mon âme ? L’art grec aussi bien que l’art égyptien est fini, épuisé, et l’humanité dure toujours.

Sans doute, pour les apprentis artistes, ces vieux monuments sont d’une grande importance : ils montrent les origines et sont devenus pour nous des moyens, des éléments ; nous y découvrons les inventions de la taille des pierres, de la colonne, les applications de la statique. Mais tout cela a perdu sur nous son action esthétique.

La Vénus de Milo me paraîtra, si vous voulez, le chef d’œuvre de la statuaire. Très-bien ! que voulez-vous que j’en fasse, moi citoyen du dix-neuvième siècle, à peine dégagé du christianisme ? Si je réfléchis que cette statue était l’image d’une divinité, cela me fait sourire, et tout le charme esthétique s’évanouit. Je mettrai sur ma cheminée une réduction de cette figure, comme j’y mets une coquille rare, une pièce de porcelaine ou un