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BUT ET DÉFINITION DE L’ART

sans un objet : quel est donc l’objet propre de celle-ci, l’objet de l’art par conséquent ? Il importe de l’étudier en lui-même, de l’analyser, de le définir, s’il est possible.

Cet objet de l’art, encore si peu compris, est ce que tout le monde appelle l'idéal.

Réalisme, idéalisme, termes mal expliqués et devenus presque inintelligibles, même aux artistes. J’en étonnerai plus d’un en affirmant que l’art est, comme la nature elle-même, tout à la fois réaliste et idéaliste : que Courbet et ses imitateurs ne font nullement exception à la règle ;qu’il est également impossible à un peintre, à un statuaire, à un poëte, d’éliminer de son œuvre soit le réel, soit l’idéal, et que, s’il l’essayait. il cesserait par là même d’être artiste. Prouvons d’abord l’inséparabilité des deux termes. Prenez chez le bouclier voisin un quartier d’animal tué, bœuf, porc ou mouton ; placez-le devant une lunette, de manière à en recevoir l’image renversée derrière la lunette, dans une chambre obscure, sur une plaque de métal iodurée : cette image tracée par la lumière est évidemment, en tant qu’image et au point de vue de l’art, tout ce que vous pouvez imaginer de plus réaliste. Il s’agit d’un corps mort, dépecé, bloc de viande informe ; quant à l’image obtenue, elle est le fait d’un agent naturel, que le photographe a su mettre en jeu, mais dans l’action duquel il n’entre lui-même