Page:Proudhon - Du principe de l'art et de sa destination sociale.djvu/88

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
76
ÉVOLUTION HISTORIQUE

de, Vénus même. La Madone n’échappe à mon amour que par l’enfant qu’elle porte dans ses bras : c’est le respect de la maternité qui la sauve. C’est un dogme chrétien que les corps des bienheureux reprennent dans le ciel la clarté, la beauté, l’agilité et la subtilité. — Voilà l’idéal dans lequel se transportent par l’imagination les artistes de la Renaissance. Ils cherchent une autre expression pour les saints et les anges, figures qui certes ne sont pas de ce monde. Pas plus que Phidias ne pouvait donner à une déesse la figure d’une femme réelle et vivante, si belle qu’elle fût, Raphaël n’eût su donner à ses vierges, à ses martyres, à la Madone, des physionomies de personnes naturelles, comme faisait Memling. — Les amateurs admirent les chefs-d’œuvre de ce dernier ; je doute qu’ils plussent autant à ses contemporains brugeois, qui retrouvaient leurs connaissances dans ses tableaux les plus pieux. — Le peuple, encore aujourd’hui, sent cela. Il dit de certains visages de jeunes filles parfaitement purs : C’est une figure de vierge ; il veut dire d’une vierge idéale, telles qu’elles doivent être au ciel et que les ont imaginées les artistes de la Renaissance. Je viens d’expliquer la Renaissance dans son évolution historique et religieuse, dans ses moyens je reconnais qu’elle a marqué dans les transformations de l’art une place dont il est impossible de contester l’importance. Mais combien n’a-t-on pas surfait sa valeur !..