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Page:Proudhon - Explications sur le droit de propriété.djvu/8

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Tout le secret consiste donc à faire que la retenue s’opère circulairement des uns aux autres et revienne à son point de départ, c’est-à-dire que les citoyens travaillent tous les uns pour les autres, et, tour à tour spoliés et remboursés, reçoivent un bénéfice égal à la retenue qu’ils subissent. Au premier abord, il semble bien plus simple que chaque salaire soit égal à chaque produit individuel ; mais les choses ne se pouvaient d’abord passer de la sorte, et la raison organique de cette rotation du bénéfice, si j’ose ainsi m’exprimer, est le secret le plus admirable peut-être de l’économie politique.

Ainsi, le bénéfice, l’intérêt, le droit d’aubaine, la propriété ou suzeraineté enfin, est une usurpation, un vol, comme Diderot le disait, il y a plus d’un siècle, et cependant la société ne pouvait vivre qu’à l’aide de ce vol, qui n’en sera plus un, dès que par la force irrésistible des institutions il sera devenu général, et qui cessera tout à fait quand une éducation intégrale aura rendu tous les citoyens égaux en mérite et en dignité.

Afin de ne pas prolonger cette audience, je vous ferai grâce, messieurs les jurés, des moyens et procédés de détail à l’aide desquels les économistes égalitaires proposent d’accélérer la réalisation de cet avenir. Rien de plus curieux que de les voir transformer en monnaie circulante les maisons, les terres, les meubles et jusqu’aux outils ; augmenter sans cesse le revenu de tout le monde, en diminuant la fatigue du travail, et enrichir graduellement les ouvriers, en opérant des retenues de plus en plus fortes sur leurs salaires.

Ce sont là des secrets de métier dont je n’ai pas à vous entretenir.

Vous venez de voir, messieurs les jurés, comment le véritable égalitaire est nécessairement conservateur ; il me reste à vous montrer comment les adversaires de la propriété sont nécessairement amis de l’ordre et du gouvernement.

Le Code civil, article 556, statue :

« Les atterrissements et accroissements qui se forment successivement et imperceptiblement aux fonds riverains d’un