Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/144

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C’est Rousseau qui nous apprend que le peuple, être collectif, n’a pas d’existence unitaire ; que c’est une personne abstraite, une individualité morale, incapable par elle-même de penser, agir, se mouvoir : ce qui veut dire que la raison générale ne se distingue en rien de la raison individuelle, et par conséquent que celui-là représente le mieux la première qui a le plus développé en lui la seconde. Proposition fausse, et qui mène droit au despotisme.

C’est Rousseau qui, faisant ensuite la déduction de cette première erreur, nous enseigne par aphorismes toute cette théorie liberticide :

Que le gouvernement populaire ou direct résulte essentiellement de l’aliénation que chacun doit faire de sa liberté au profit de tous ;

Que la séparation des pouvoirs est la première condition d’un gouvernement libre ;

Que dans une République bien constituée, aucune association ou réunion particulière de citoyens ne peut être soufferte, parce que ce serait un état dans l’état, un gouvernement dans le gouvernement ;

Qu’autre chose est le souverain, autre chose le prince ;

Que le premier n’exclut pas du tout le second, en sorte que le plus direct des Gouvernements peut très-bien exister avec une monarchie héréditaire, comme on le voyait sous Louis-Philippe, et comme certaines gens le voudraient revoir ;

Que le souverain, c’est-à-dire le Peuple, être fictif, personne morale, conception pure de l’entendement, a pour représentant naturel et visible le prince, lequel vaut d’autant mieux qu’il est plus un ;

Que le Gouvernement n’est point intime à la société, mais extérieur à elle ;

Que, d’après toutes ces considérations qui s’enchaî-