Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/156

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saire, sine quâ non, de l’ordre. C’est pour cela qu’il aspire toujours, et sous tous les masques, à l’absolutisme : en effet, d’après le principe, plus le Gouvernement est fort, plus l’ordre approche de la perfection. Ces deux notions, le gouvernement et l’ordre, seraient donc l’une à l’autre dans le rapport de la cause à l’effet : la cause serait le gouvernement, l’effet serait l’ordre. C’est bien aussi comme cela que les sociétés primitives ont raisonné. Nous avons même remarqué à ce sujet que, d’après ce qu’elles pouvaient concevoir de la destinée humaine, il était impossible qu’elles raisonnassent autrement.

Mais ce raisonnement n’en est pas moins faux, et la conclusion de plein droit inadmissible, attendu que d’après la classification logique des idées, le rapport de gouvernement à ordre n’est point du tout, comme le prétendent les chefs d’État, celui de cause à effet, c’est celui du particulier au général. L’ordre, voilà le genre ; le gouvernement, voilà l’espèce. En autres termes, il y a plusieurs manières de concevoir l’ordre : qui nous prouve que l’ordre dans la société soit celui qu’il plaît à ses maîtres de lui assigner ?……

On allègue, d’un côté, l’inégalité naturelle des facultés, d’où l’on induit celle des conditions ; de l’autre, l’impossibilité de ramener à l’unité la divergence des intérêts et d’accorder les sentiments.

Mais, dans cet antagonisme, on ne saurait voir tout au plus qu’une question à résoudre, non un prétexte à la tyrannie. L’inégalité des facultés ! la divergence des intérêts ! Eh ! souverains à couronne, à faisceaux et à écharpes, voilà précisément ce que nous appelons le problème social : et vous croyez en venir à bout par le bâton et la baïonnette ! Saint-Simon avait bien raison de faire synonymes ces deux mots, gouver-