Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/257

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ma condition est immuable : me voilà, pour ma vie et pour la vie de mes enfants, attaché à la glèbe. Ainsi le veulent nos mandataires, que nous avons choisis pour nous donner des lois ; nos mandataires, qui nous représentent et qui nous gouvernent !

Ou bien, dans le système de la réciprocité contractuelle :

La Révolution m’affranchit du fermage. Chaque année de rentaire me vaut une part de ce terrain ; dans vingt ans la propriété est à moi. Dans vingt ans, moi qui n’ai rien, qui devais n’avoir jamais rien, qui serais mort sans laisser à mes enfants autre chose que le souvenir de mes fatigues et de ma résignation ; dans vingt ans, je posséderai ce fonds, qui vaudra 20,000 fr. J’en serai le maître, le propriétaire ! Je le vendrai si je veux, contre de l’or, de l’argent, des billets de banque ; je changerai de pays si cela me convient ; je ferai de mon fils un commerçant, si le commerce lui plaît ; je marierai ma fille avec l’instituteur, si cette alliance agrée à ma fille ; et moi, quand je ne pourrai plus travailler, je me ferai avec mon fonds une rente viagère. Ma retraite, la retraite de mes vieux ans, c’est, ma propriété !…

Croyez-vous, dis-je, que le paysan hésite un instant sur l’alternative ?

Sans doute la richesse collective de la nation ne perd ni ne gagne dans aucun cas ; que les 80 milliards d’immeubles qui constituent les fortunes individuelles figurent ou non dans le total, qu’importe à la société ? Mais pour le colon, entre les mains duquel le sol mobilisé devient une valeur circulante, une monnaie encore une fois, est-ce la même chose ?…

Au reste, ce que j’en dis ici n’est à d’autre fin que d’avertir l’opinion, et de prévenir autant qu’il est en