Aller au contenu

Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/277

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


La Vente à juste prix ! vont dire les habiles ; il y a longtemps que c’est connu. À quoi cela a-t-il servi ? Les marchands à juste prix ne font pas plus fortune, ne se ruinent pas moins que les autres ; et quant à la clientèle, elle n’est pas non plus mieux servie et ne paye pas moins cher qu’auparavant. Tout cela n’est qu’empirisme, rajeunissement de vieilles idées, illusion, désespoir.

C’est précisément ce que je nie. Non, la vente à juste prix n’est pas connue ; elle n’a jamais été mise en pratique, et par une bonne raison, elle n’a jamais été comprise.

Chose qui surprendra plus d’un lecteur, et qui semble d’abord contradictoire, le juste prix, comme toute espèce de service et de garantie, doit être payé ; le bon marché de la marchandise, comme la marchandise elle-même, doit avoir sa récompense : sans cette prime offerte au commerçant, le juste prix devient impossible, le bon marché une chimère.

Rendons-nous compte de cette vérité, l’une des plus profondes de l’économie politique.

Si, la plupart du temps, le négociant refuse de livrer sa marchandise à prix de revient, c’est, d’une part, qu’il n’a pas la certitude de vendre en quantité suffisante pour se former un revenu ; c’est, en second lieu, que rien ne lui garantit qu’il obtiendra la réciproque pour ses achats.

Sans cette double garantie, la vente au juste prix, de même que la vente au-dessous du cours, est impossible : les seuls cas qu’on en puisse citer résultent de déconfitures et de liquidations.

Voulez-vous donc obtenir la marchandise au plus juste prix ? jouir du bon marché ? exercer un commerce véridique ? assurer l’égalité de l’échange ?