Aller au contenu

Page:Proudhon - Idée générale de la Révolution au dix-neuvième siècle.djvu/87

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

hors aucune barrière qu’il doive respecter, il est absolu, la nation et ses droits sont sa propriété. Ce n’est qu’en fondant la liberté de la presse comme droit public que la Charte a rendu la Société à elle-même…… »

Ce que disait M. Royer-Collard de la royauté de 1814 est vrai, à plus forte raison encore, de la République de 1848.

La République avait à fonder la Société ; elle n’a songé qu’au Gouvernement. La centralisation se fortifiant toujours, tandis que la Société n’avait à lui opposer aucune institution, les choses sont arrivées, par l’exagération des idées politiques et le néant des idées sociales, au point que Société et Gouvernement ne peuvent plus vivre ensemble, les conditions de l’une étant d’asservir et subalterniser l’autre.

Ainsi, tandis que le problème posé en 89 semblait officiellement résolu, au fond il n’y avait de changé que la métaphysique gouvernementale, ce que Napoléon nommait idéologie. La liberté, l’égalité, le progrès, avec toutes leurs conséquences oratoires, se lisent dans le texte des constitutions et des lois ; il n’en est vestige dans les institutions. Une féodalité ignoble, basée sur l’agiotage mercantile et industriel, le chaos des intérêts, l’antagonisme des principes, la dépravation du droit, a remplacé l’ancienne hiérarchie des classes ; les abus ont quitté la physionomie qu’ils avaient avant 89, pour reprendre une autre organisation ; ils n’ont diminué ni de nombre ni de gravité. À force de préoccupations politiques, nous avons perdu de vue l’économie sociale. C’est ainsi que le parti démocratique lui-même, l’héritier de la première révolution, en est venu à vouloir réformer la Société par l’initiative de l’État, créer des institutions par la vertu prolifique